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Proverbes tirés du Dictionnaire FÉODAL

Proverbes tirés du Dictionnaire FÉODAL, (←clic) de 1819

par COLLIN DE PLANCY J.-A.-S.

 

- On pillait anciennement les meubles de l'évêque, après sa mort.

De cet abus nous est venu ce proverbe, disputer la chape de l'évêque, pour dire que deux personnes veulent avoir une chose qui ne leur appartient point.

 

- Sous le règne de Charles VI, on jetait de nuit dans la Seine ceux dont on voulait se défaire,

après les avoir enfermés dans un sac lié par le haut avec une corde. C'est de là qu'on a appelé les fripons gens de sac et de corde.

 

- Quand saint Louis eut réglé les droits de péage qui étaient à l'entrée de Paris, sous le petit

Châtelet, tout marchand qui apportait un singe, pour le vendre, payait 4 deniers. Si le singe appartenait à un histrion, cet homme en le faisant jouer et danser devant le péager, était quitte du péage, tant pour le singe que pour tout ce qu'il possédait  à son usage. De là nous est venu le proverbe payer en monnaie de singe, c'est-à-dire en grimaces et en gambades.

 

- Cette expression, mettre sa main au feu, pour affirmer une chose dont on est sûr, vient des

épreuves judiciaire, où l'accusé empoignait une barre de fer rouge, ou trempait sa main dans l'eau bouillante, pour prouver son innocence.

 

- Boire après les grâces, c'est ce qu'on boit lorsqu'on est sorti de table. Nous devons ce mot

aux Allemands. Un pape leur accorda des indulgences, toutes les fois  qu'ils boiraient un coup après leurs grâces, afin de les engager à ne pas s'enivrer sans les avoir dites.

 

- On a dit des serfs de la glèbe (serfs attachés à un fonds de terre) :

Il faut que la bête meure dans le harnais ; ou bien Il faut que la vache broute où elle est attachée.

 

- Le droit d'aubaine donnait au roi et aux seigneurs la succession des étrangers qui

mourraient sur leurs terres. On appelle encore aubaine, un profit que l'on attendait pas.

 

- Aller au-devant de quelqu'un, avec la croix et la bannière.

C'est ainsi qu'on recevait les seigneurs dans leurs fiefs.

 

- Les seigneurs et leurs juges avaient anciennement une baguette à la main, en rendant la

justice. Lorsqu'on avait payé les amendes de la loi, il fallait payer les profits du juge ; de sorte que les condamnés ont dit d'abord : "Les plaignants sont payés, c'est maintenant le tour du juge." Et comme le seigneur, lorsqu'il se faisait représenter pour juger, donnait sa baguette à celui qui le représentait, on a pris le bâton de justice pour le juge même, et l'on a appelé la part de juge le tour du bâton. Comme cette part était ordinairement arbitraire, exagérée, on a donné le nom de tour de bâton à tous les profits illicites, que font secrètement les gens en place.

 

- Nos gracieux ancêtres disaient d'un pendu expirant, qu'il donnait la bénédiction des pieds

 et des mains...

 

- Lorsqu'on donnait les bénéfices aux intrigants et aux sots adroits, tandis qu'on laissait dans

la misère ces vertueux ecclésiastiques, qui s'occupent plus de leur ministère que de leur fortune, quelqu'un inventa ce proverbe : les chevaux  courent les bénéfices, et les ânes les attrapent

 

- On appelait gentilshommes de cloche ceux qui n'étaient nobles que pour avoir passé par

 certaines charges, comme celle d'échevin, qui n'anoblissait que dans quelques villes, et qui se donnaient au son de la cloche.

 

 - On appelait seigneur de parchemin celui qui devait sa noblesse, non à de belles actions

 ou à de grands services, mais seulement à des parchemins bien payés.

 

- L'égoïsme des seigneurs et la franche bonhomie des pauvres gens sont assez bien exprimés

par ce proverbe : Tous gentilshommes sont cousins et tous vilains compères.

 

 - Croûte de pâté vaut bien du pain.

Dans un dîner où l'on avait servi un pâté énorme, on disait à une reine de France que l'année était misérable, que la gène était grande, que le blé était cher, et que les artisans ne pouvaient avoir du pain. - Eh bien, répondit cette reine, qui n'en savait pas davantage, si le pain est rare, que ne mangent-ils pas des croûtes de pâté ?... (Quelques-uns font remonter  plus haut ce proverbe : Un saint homme avait fondé, au seizième siècle, un déjeuner de vin  et de petits pâtés, qui se donnait, tous les ans, aux enfants de chœur de Notre-Dame. Comme on ne leur servait point de pain, et qu'ils s'en plaignaient, on leur répondit : Croûte de pâté vaut bien du pain.

 

- On disait en matière féodale : Quand le vassal dort, le seigneur veille : pour dire que,

quand le vassal négligeait de faire la foi et hommage, le seigneur dominant saisissait le fief, et en faisait son profit.

 

- On  appelait une paire de sabots des escarpins de vilain. - On disait d'un roturier,

c'est un homme de basse étoffe. Les nobles se croyaient faits par un autre ouvrier, et d'un autre rang que le commun des hommes. Dans le temps de la guerre de la jacquerie, plusieurs moines disaient que les nobles étaient des hérétiques et des apostats ; ces moines n'étaient pas en si grand tort, puisqu'en reniant les roturiers pour leurs frères, les nobles reniaient Dieu, notre père commun.

 

 - On dit d'un malheureux : Cet homme est excommunié ; parce que dans les siècles où les

foudres de Rome étaient si stupidement redoutées, l'excommunication attirait la ruine, la misère, l'exil, les persécutions, l'abandon et les plus grands maux, sur celui qu'un pape ou un évêque avait frappé d'anathème.

.

 - M. de Bérenger a dit, dans sa chanson des diables missionnaires, que les philosophes

sentent le roussi ; et l'on dit encore qu'un impie sent le fagot ; parce que, dans les bons temps, on brûlait les hérétiques, les incrédules et la philosophes. Sous François 1er, ou créa une chambre ardente, qui faisait brûler sans miséricorde tous ceux qui étaient soupçonnés de la moindre hérésie, ou qui s'avisaient de philosopher sur le catholicisme. Néron, qui fut si cruel, s'était contenté d'exiler ces gens-là.

 

- Jusqu'au seizième siècle, lorsqu'un homme laissait en mourant de trop grandes dettes, la

veuve renonçait à la communauté de biens, conservait ce qui était à elle, laissait  aux créanciers la seule fortune de son mari, avec ses clefs et sa bourse, qu'elle, mettait sur le cercueil de son mari. "Aujourd'hui encore, lorsqu'une veuve renonce à la succession, on dit qu'elle a mis la clef sur la fosse.

 

- Nos anciens seigneurs avaient pour la plupart des pages, à qui ils administraient la

correction des verges, pour la moindre peccadille. Nous disons encore, pour faire entendre qu'une faute est bien légère : il n'y a pas de quoi fouetter un page.

 

- On dit d'un homme, dont la cause semble perdue : Cet homme est frit. C'est toujours une

suite des épreuves judiciaires. Un accusé, pour prouver son innocence, mettait la main dans l'eau boullante ou sur le fer rouge : si cette main brûlait, il était coupable, et condamné au bûcher ou à la potence.

 

- A gens de village trompette de bois, c'est-à-dire que les vilains et manants ne devaient

avoir que les meubles les plus grossiers.

 

- On appelait jugement du seigneur celui qui donnait gain au puissant et condamnait le

pauvre. On appelait jugement de paysan, la sentence qui terminait le différent par la moitié.

 

- Lorsqu'un roturier plaidait avec un grand, on disait : C'est le pot de terre qui heurte le pot

de fer.

 

- Sous le règne de Charles V, on mesurait la grandeur de l'homme à la longueur de son

soulier. Les roturiers et les serfs portaient des chaussures de la taille de leurs pieds ; la chaussure des seigneurs sortait derrière le talon, et s'avançait loin devant les doigts du pied. Les souliers des grands dignitaires avaient jusqu'à deux pieds et demi de long. C'est de cette mode qu'est venu l'usage de dire, d'une personne en faveur : Il ou elle est sur un grand pied à la cour.

 

- Dans les anciens jugemens, lorsqu'on avait décidé que les deux parties devaient se battre,

pour terminer le procès, l'accusateur et l'accusé remettaient entre les mains du juge une certaine somme ; et comme on a toujours condamné ceux qui perdent la cause à payer les frais de justice, comme dans ces temps de barbarie, celui qui succomba à l'épreuve du duel était atteint et convaincu par le jugement de Dieu, du crime dont on l'accusait : en prononçant contre lui la peine de mort, le juge gardait l'argent pour ses épices ; d'où est venu le proverbe que les battus paient l'amende.

 

- Il n'y a si bon mariage qu'une corde ne rompe. Voici l'origine de ce proverbe ; il y eut un

temps en France, où il n'était pas permis de suborner une fille, avant l'âge de vingt-cinq ans, sans le gré, su, vouloir et consentement de ses parents ou tuteurs. Celui qui était convaincu d'avoir séduit et engrossé une jeune fille (car le crime n'existait que lorsqu'on en voyait les traces non équivoques), celui là était pendu sans miséricorde, quoiqu'il se fut marié avec la fille qu'il avait serrée de trop près, s'il ne l'avait pas épousée assez vite pour donner à croire que l'enfant dont cette fille était grosse avait été fait depuis le sacrement. - Cette coutume ne dura pas long-temps ; elle exposait trop de gens à la potence : on décida que les fille pouvaient sauver leurs suborneurs, en déclarant qu'elles avaient été séduites de leur plein gré, et qu'elles consentaient à épouser le coupable.

 

- Loysel et quelques autres feudistes (spécialistes du droit féodal) ont conservé cet ancien

proverbe féodal, qui peint très-bien la rapacité des seigneurs, et la misère des vassaux : Un seigneur de paille, de foin ou de beurre, mange et tue un vassal d'acier...

 

Fin


 



14/10/2015
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